Compte tenu des tendances en cours depuis des années, cela devait arriver tôt ou tard: le S&P 500 comprend maintenant trois sociétés dont le poids est supérieur à 7% (ou très proche), et ses huit principaux constituants représentent ensemble 35% du total. Il s’agit peut-être de la plus grosse menace pour la gestion active.
L’évolution de l’indice large du marché américain à la suite des variations de capitalisation va bientôt poser un problème aux gérants de portefeuille. Dans les fonds UCITS, il est déjà presque impossible d’atteindre une forte surpondération sur Apple, Microsoft ou Nvidia sans enfreindre la règle des 5/10/40.
Toutefois, il y a un autre effet, que nous considérons comme un problème encore plus préoccupant: certaines de ces « mégacaps » ayant tendance à se comporter d’une manière relativement décorrélée de leurs fondamentaux, car leurs grosses réserves de liquidités ou leur image peuvent compenser beaucoup d’événements défavorables, même les gérants actifs ne peuvent pas se permettre de les ignorer complètement. Ne pas détenir une valeur qui représente 7% de votre indice, même si vous la jugez peu attrayante, est un gros risque, mais limiter ce risque nécessite d’allouer 4 ou 5% des actifs à ces positions non-désirée. Et s’il vous arrive d’être positif sur le titre, le simple fait d’atteindre le point ou commence la surpondération va nécessiter une grosse ponction sur les actifs, au détriment de l’exposition active. En d’autres termes, la structure déformée de l’indice réduit la capacité des gérants actifs à faire leur travail, et à s’écarter de leur benchmark autant qu’ils le feraient normalement. Dans notre cas, l’exposition active est passé de 82% il y a quelques années à environ 74% maintenant.
S&P Dow Jones Indices n’a pas beaucoup de solutions à sa disposition pour résoudre ce problème, qui a déjà affecté des indices plus concentrés dominés par quelques valeurs, mais qui reste inédit dans la plus vaste économie mondiale. Les régulateurs pourraient toutefois y contribuer incidemment, s’ils continuent à s’intéresser aux pratiques potentiellement anti-concurrentielles des « Magnificent Seven », et osent in-fine leur imposer une séparation en plusieurs entités indépendantes. Cela reste toutefois une perspective éloignée et, pour le moment, les gérants actifs devront continuer à opérer sous contraintes.
HG – 18 juin 2024