Pendant le sommet du G7 de juin, en Cornouailles, l’Administration américaine a proposé le principe d’un taux d’impôt sur les sociétés minimal et universel, qui a suscité une forte approbation dans tous les pays les moins disciplinés fiscalement. Voici notre interprétation de cette mesure.
De quoi s’agit-il ?
Sans entrer dans les détails, l’idée est de faire approuver par l’ensemble des pays une taxation plus uniforme des bénéfices d’entreprises, où qu’ils soient générés, pour mettre fin à ce que Janet Yellen a appelé « la course vers le fond ». Avec un taux minimum à 15%, que le Département du Trésor considère comme un plancher qu’il aimerait remonter, le nouveau système augmenterait les chances que les résultats puissent être taxés, au-moins en partie, là où ils sont générés plutôt que là où la société a élu domicile.
Est-ce que ça sera mis en œuvre ?
Rien n’est moins sûr. Naturellement, le schéma proposé a facilement obtenu le soutien des nombreux pays où la discipline budgétaire n’est pas la principale vertu. Il faut également reconnaître qu’il corrigerait un problème qui s’est développé avec la mondialisation, et notamment avec la croissance du commerce électronique. Toutefois, un minimum vraiment universel est peu probable. Il y a environ 200 pays indépendants dans le monde, et il semble certain qu’au-moins une poignée d’entre eux voudra offrir un taux de taxation au rabais, dans l’espoir d’attirer plus de domiciliations.
En fait, le système ne fonctionnera que si un nombre croissant de pays clés adopte une imposition extra-territoriale, comme les Etats-Unis ont commencé à mettre en œuvre dans certains domaines de leur fiscalité. Cela semble une perspective éloignée, compte-tenu de l’organisation complexe que cela imposerait et des conséquences légales (voire constitutionnelles) dans chaque pays.
Est-ce un problème pour les entreprises ?
Officiellement, pas aux Etats-Unis. Même après son abaissement par Donald Trump (de 35 à 21%), le taux d’IS est bien supérieur à 15% et le projet de l’Administration Biden est de le remonter à 28%… ce qu’Amazon a dit approuver ! (on se demande pourquoi ils dépensent autant de temps et d’argent à optimiser leur fiscalité si le but est de payer plus).
Une imposition accrue des bénéfices peut être favorable à court terme (notamment si les sommes collectées sont utilisées par les gouvernements pour investir dans les infrastructures de transport et d’autres initiatives favorables à la productivité), mais à plus long terme, il faut s’attendre à ce que les sociétés se comportent de manière rationnelle: si ces prélèvements supérieurs ne sont pas compensés par des avantages, elles trouveront tôt ou tard un moyen légal d’y échapper. Il n’y a pas si longtemps, sous le mandat de Barrack Obama, on voyait fréquemment des entreprises américaines déménager leur siège pour des raisons fiscales.
Quoi qu’il arrive, il y a une contradiction intéressante dans cette affaire. De plus en plus de pays développés montrent leurs muscles contre les pratiques anti-concurrentielles qu’ils reprochent aux géants de l’internet. Avec la nomination de Lina Khan à la tête de la FTC, les Etats-Unis ne sont pas en reste. Au même moment, toutefois, les mêmes pays essaient d’organiser leur propre cartel de la taxation, pour éliminer tout risque de concurrence sur la base de l’attrait fiscal. Bel exemple de « faites ce que je dis, ne faites pas ce que je fais »!
HG – 8 juillet 2021