Il y avait les fonds sectoriels, il y a maintenant les fonds thématiques. Pas une semaine ne s’écoule sans apporter une nouvelle idée de thème: les « millenials », la « disruption », l’eau, le vieillissement de la population, etc. Le succès a été phénoménal ces dernières années mais… quels sont les vrais avantages pour chaque niveau de la « chaîne alimentaire » ?
Pour le gérant, la gestion thématique est tout simplement un produit de rêve car la plupart des thèmes sont conçus sur mesure et définis par des critères vagues et subjectifs. L’univers d’investissement est donc illimité puisqu’il est presque impossible de prouver qu’une société n’a rien à voir avec un thème donné. En outre, le risque d’être ridicule est quasiment inexistant: quand il n’y a ni benchmark, ni concurrence positionnée exactement sur le même segment, la comparaison des performances ne peut pas être défavorable.
Pour l’équipe commerciale, la gestion thématique est un produit facile à vendre, qui peut coller aux derniers concepts à la mode. Pas besoin de mener une recherche longue avant de pouvoir lancer le fonds, ni de mettre au point un discours sophistiqué pour démontrer la supériorité du process. La décision du client a plus de chances d’être déterminée par une adhésion émotionnelle à la thématique que par une analyse approfondie de sa crédibilité technique.
Pour l’investisseur, les choses se compliquent. L’un des principaux problèmes est que l’orientation des fonds thématiques va par essence suivre les phénomènes de mode. De ce fait, il sera structurellement difficile de trouver, dans une même période, toutes les briques thématiques nécessaires pour construire un portefeuille diversifié, au risque bien géré. Chaque période vient avec ses obsessions, qui définissent la marque qu’elle laisse dans l’histoire, mais elles restent généralement marginales au sein de ce qui fait réellement le monde. Ignorer le reste, c’est juste prendre un gros risque d’investissement.
En conclusion, la gestion thématique est parfaite pour rendre la vie des professionnels de la gestion moins stressante, tant au niveau de la performance que des ventes. Pour ce qui concerne les investisseurs, c’est un bon complément à des placements de fond de portefeuille, mais son succès se fait probablement au détriment de l’équilibre du portefeuille et du contrôle de risque. Préparer un bon plat sans aucun autre ingrédient que des épices n’est pas à la portée de tous les cuisiniers.
HG – 10 mai 2021