Le patron d’une grande société de gestion en Europe déclarait récemment que la gestion ESG était une « formidable opportunité de croissance pour notre industrie ».
Depuis que j’ai lu l’interview, je continue à la retourner dans mes pensées, en me demandant si j’ai raté quelque chose, car je ne parviens pas à réconcilier cette déclaration avec ma propre compréhension du sujet :
- Est-ce que l’ESG augmente notre potentiel de clientèle-cible ? Non, puisque l’univers des investisseurs reste le même.
- Est-ce que l’ESG augmente notre chiffre d’affaires ? Non, puisque les commissions que nous chargeons pour un produit standard sont les mêmes, que le standard soit ESG (comme cela devient le cas) ou pas (comme c’était le cas auparavant).
- Est-ce que l’ESG réduit nos coûts ? Non, puisqu’il nous impose même des obligations supplémentaires en matière de recherche et de reporting.
- Est-ce que l’ESG donne aux gérants ESG un avantage concurrentiel ? Non, puisque tout le monde va dans la même direction.
Donc, que nous disent les faits ? L’investissement ESG a certainement la capacité d’être une bonne chose pour l’humanité sur le long terme. Pour que ce soit le cas, il faudra toutefois développer la recherche et les standards selon une approche honnête et rigoureuse, plutôt que sur les clichés rudimentaires qui l’emportent souvent actuellement, et dont beaucoup ne résistent pas à une analyse attentive.
A part cela, non, l’investissement ESG n’est pas une opportunité formidable pour les gérants d’actifs (sauf s’ils ont un intérêt à rendre impossible la comparaison avec leur indice de référence ou leurs concurrents). Il l’est, en revanche, pour les consultants, les développeurs d’indices, les agences de notation et le reste de l’éco-système, qui continuent pour cette raison à le pousser sans relâche.
Hubert Goyé – 8 juillet 2020